Réponse au défi n°9

Je m'appelle Justin. Je sais que ce nom vous fais penser à un chanteur moldu américain à la voix de fillette, n'essayez pas de me faire croire le contraire. J'ai 17 ans. Et quatre arrêts cardiaques à mon actif. Deux de 30 secondes, un de 54, le dernier de 3 minutes. La première fois, je vous assure, c'est terrifiant. On ne se sent plus respirer, notre vision se brouille, c'est douloureux... Et puis plus rien. Une sensation d'apaisement, une douce chaleur dans la poitrine. Une lumière qu'on entrevoit au loin. Je ne mens pas. La seconde d'après, on se réveille. On re-bascule dans un monde de souffrance. Tes doigts sont engourdis, tu as des fourmis dans le corps. Ta famille est en pleurs, penchée sur toi. Et tout ce que tu trouves à faire, c'est leur sourire et chuchoter :
-Maintenant tu sauras à quoi t'attendre de ma part.

Mon rêve, c'est voler. Sentir l'adrénaline couler dans mes veines, le vent fouetter mon visage, avoir l'impression d'être libre, pour de bon. Mais je ne peux pas faire de Quidditch. Mes parents ont peur que je fasse un arrêt sur mon balai et m'écrase sur le sol. Alors j'admire depuis les tribunes les joueurs s'envoler et flotter librement. Mon poste favori, c'est l'attrapeur. Il s'élance à toute vitesse pour attraper la victoire. Je n'imagine que trop bien la sensation de triomphe qui doit l'envahir lorsque ses doigts se referment sur le vif. J'aimerais comme eux aller à toute vitesse cueillir cette petite boule dorée, enchaîner les figures pour me faufiler entre mes partenaires de jeu. Harry m'a dit que ce n'était pas si incroyable que ça, mais lorsqu'il parle de Quidditch, je vois ses yeux briller d'excitation. Je voudrais tellement pouvoir jouer...

Je suis gay. Encore une chose qui m'éloigne des autres. Personne ne le sait. Je n'ai pas envie que mon meilleur ami -Zacharias Smith, le plus hétéro des hétéro- l'aprenne et me rejette. Surtout que c'est lui dont je suis amoureux. Je trouve que la vie a un humour très malsain. Mais peut-être l'ai-je mérité, je ne sais pas. J'aime mon meilleur ami. J'aime ce salaud sans cœur et sans tolérance. J'aime sa façon de me sourire en découvrant légèrement ses dents. J'aime quand il rejette sa tête en arrière quand il rigole. J'aime quand il me noue ma cravate le matin. J'aime quand il pose son front dans mon dos lorsqu'il est fatigué. Je suis totalement et littéralement fou de lui. Je lui dirai un jour, mais pas maintenant. Je préfère pouvoir m'endormir sur son épaule parce qu'il est persuadé que je suis hétéro. 

Il y a une chose dont je me rends compte, puisque mon cœur s'est déjà arrêté plusieurs fois : je profite plus de ma vie que les autres. Enfin dans un certain sens. Bien sûr il y a des choses que je ne peux pas faire, et des choses que je n'ose pas faire, mais globalement j'essaie de vivre à fond. Je ne sais jamais quand mon cœur peux s'arrêter. C'est pour ça que les gens me trouvent soûlant, parfois. Je veux être le plus de bonne humeur possible, et extérioriser toutes mes émotions, mes opinions. Je n'aime pas que les gens aient pitié de moi, alors je ne leur dis pas pour ma maladie et mon cœur. Je ne leur dis pas non plus que les médecins ne me donnent pas plus de 4 mois à vivre.

...

1er mois : Février.
Justin avait toujours aimé regarder la neige tomber. C'est une des choses qui étaient sur sa "To do list (before death)", avec différentes autres choses comme "trouver le Bertie Crochu le plus dégoûtant et l'offrir à Cho Chang" ou "voler de nuit". Il était 5 heures du matin quand les premiers flocons tombèrent. Le jeune homme était tellement surexcité par la neige qu'il se précipita vers le lit de son meilleur ami et commença à le secouer pour le réveiller. Ce dernier se tourna vers lui encore tout ensommeillé (et Justin craqua en voyant son visage d'ange) en marmonnant d'une voix rauque :
-Qu'est-ce qu'il y a Finch-boy ?...
-Viens voir, lui souffla-t-il.
Zacharias se leva en se frottant les yeux comme un enfant et suivi Justin près de la fenêtre. Dehors les flocons tourbillonnaient, se collaient à la vitre, atterrissaient dans l'herbe ou à la surface du lac gelé. Il écarquilla les yeux avant de s'écrier en prenant sa voix de fillette :
-Justiiiiiiiiiiin ! Il neige !!
Ce dernier éclata de rire devant l'exclamation de son ami qui collait son front contre la fenêtre et s'extasiait devant les flocons. 
-Hey Finch-boy, ça te dit qu'on sorte et qu'on profite de la neige avant tout le monde ?
Il eut ce fameux sourire qui découvrait le bout de ses dents et ses yeux pétillaient d'excitation. Il lança pêle-mêle ses habits sur son lit en chantonnant et se déhanchant sur une chanson inventée de toutes parts, ce qui arracha un sourire attendri à Justin. La neige, ça allait lui manquer. 

2ème mois : Mars.
Depuis 7 ans, le premier jour de printemps, Zach était toujours surexcité. Il sautait partout, l'appelait de sa voix de fangirl (il savait qu'il haïssait ça) "Justiiiiiiiiiiiin !", chantait des chansons débiles à tout bout de champ et passait toujours son bras autour de ses épaules pour aller en cours de DCFM en criant "Go dans la demeure de la Grenouille !"(le nom changeait chaque année en fonction du professeur). Justin adorait le premier jour de printemps : le parfum de Zach l'embaumait toute la journée, son euphorie était à son comble et il était plus tactile que d'habitude. C'est donc tout sourire qu'il se réveilla en ce 21 Mars, bien décidé à profiter au maximum de son dernier "premier jour de printemps" en compagnie de son meilleur ami. Il ouvrit la fenêtre, inspira une grande bouffée d'air, chantonna un petit bout de chanson et commença à piocher dans son armoire ses vêtements avant de s'effondrer au milieu de ses chemises.
Quand il rouvrit les yeux, Zacharias était penché sur lui, marmonnant quelque chose comme "réveille-toi, bordel ! Tu peux pas me faire ça !...". Il posa sa main dont les doigts étaient déjà froids sur la sienne. Zach soupira de soulagement. 
-Justin... Je croyais que tu étais guéri...
-Ils ont dit que... Que ça arriverait plus fréquemment dans les prochains mois.
-Pourquoi ? Normalement il y a un traitement pour empêcher ça, non ?...
-En mai, ça s'arrêtera. Ils me l'ont dit.
Zacharias parut soulagé. Justin ne mentait jamais. 
Et là non plus il ne mentait pas. Tout allait s'arrêter pour lui en Mai.

3ème mois : Avril.
Justin se sentait de moins en moins bien. Il respirait de plus en plus mal. Son coeur lui faisait atrocement mal. Et Zach qui était toujours inquiet pour lui. Il ne cessait de lui répéter que tout irait mieux le mois prochain mais son meilleur ami était de moins en moins insouciant comme auparavant. Ça le chagrinait de le voir ainsi. 
-Est-ce que tu as peur de mourir ? 
Justin se tourna vers lui. Ce n'était pas dans les habitudes de Zach de poser ce genre de question existentielle, mais il lui répondit tout de même :
-Non. Je suis déjà "mort" plusieurs fois et ça n'a rien de terrifiant. Sauf peut-être au début. Tu te dis toujours qu'il y a plein de choses qu'il aurait fallu que tu fasses, comme dire à tes proches que tu les aimes, etc. Mais après c'est apaisant. Tu entrevois une petite lueur, tu quittes ce monde de souffrances pour entrer dans une sensation de sérénité intense. C'est beau, de mourir.
Il ne sentit pas sa larme couler le long de sa joue tandis qu'il disait cela. Après il ne sentit plus rien.
La pression des mains de Zach sur sa poitrine le fit revenir. 
-Tu n'as pas le droit de te barrer comme ça, hurlait-il, t'as encore des choses à faire ici !
C'etait la première fois qu'il le voyait si en colère. 
La seule chose qu'il voulait faire ici, c'était voler.
Sa parole dépassa sa pensée dans un souffle qu'il lâcha les yeux embrumés.

4ème mois : Mai.
Il resserra son emprise sur la taille de Zach alors qu'ils décollaient du sol. L'air était doux, le ciel parsemé de quelques nuages d'une blancheur que leur accordait la pleine lune. Ils décrivirent quelques cercles au-dessus du terrain de Quidditch pour que Justin s'habitue avant que son meilleur ami ne s'exclame :
-Accroche-toi, Finch-boy, on passe aux choses sérieuses !
Ils prirent de l'altitude, traversèrent une couche de nuages et arrivèrent trempés au-dessous de la voûte céleste. Loin de la pollution, Justin vit briller la voie lactée et ses étoiles filantes dans le plus grand silence. Seuls la caresse du vent et le souffle de Zach parvenaient à ses oreilles. Il était tellement heureux d'avoir vécu ça avant de rendre son dernier souffle que de douces perles salées roulèrent de ses yeux jusqu'à ses lèvres. Son coeur était prêt à éclater, il le sentait. 
Il ne lui restait plus beaucoup de temps.
-Zach, tu peux redescendre ? J'ai encore une autre chose à faire...

Lorsqu'ils se posèrent, son souffle se faisait court. Zacharias l'interrogea du regard. Il eut un pâle sourire, regarda la lune au loin. 
-Il ne me reste plus beaucoup de temps. Bientôt, tout s'arrêtera. Je te l'ai dit, non ?
Il marqua une pause. Une dernière larme coula de ses yeux gris. 
-Je t'aime, Zach. À en mourir.
Il se tourna et lui adressa un dernier sourire, le plus éclatant d'entre tous. Il tomba sur le sol dans un bruissement. Et Zacharias comprit trop tard.
Le vent caressant ses joues, il le sentait encore. La voix de Zach qui lui hurlait de revenir, il l'entendait encore. Ses lèvres contre les siennes, il les devinaient encore. La douleur au creux de la poitrine, elle était là, encore. Et puis tout disparut. Son souffle s'éteignit. Ne restait plus que la sensation d'apaisement, la chaleur dans son coeur, la lumière au loin.